L’emprunt Sarkozy : un objet économique flou et coûteux à terme pour les finances publiques
L’emprunt Sarkozy : un objet économique flou et coûteux à terme pour les finances publiques
Le lundi 22 juin 2009, devant le parlement réuni en Congrès à Versailles, Nicolas Sarkozy a annoncé le lancement d’un « grand emprunt » sans en donner les modalités.
Avant d’apprécier l’opportunité et l’efficacité éventuelle de cette mesure, il convient d’abord d’apprécier la situation des comptes publics et les différentes modalités de financement de l’Etat. Après deux années de pouvoir Sarkozy, le tableau de bord des principaux indicateurs économiques est au rouge avec un déficit budgétaire qui oscille entre 7.3% et 7.8% du Produit Intérieur Brut (PIB), une dette publique (Etat, Sécurité Sociale et Collectivités Locales) qui dépasse 73.9% du PIB. Ces déficits abyssaux qui obèrent les finances publiques résultent avant tout des choix de politiques économiques démagogiques comme la mise en œuvre du « paquet fiscal » qui réduit considérablement les recettes fiscales et accentue les inégalités économiques au profit des classes sociales les plus aisées. Le lancement d’un emprunt est matérialisé par l’émission des obligations c'est-à-dire de titres qui matérialisent la créance d’un prêteur sur un emprunteur. En France, toute émission de titre qui fait appel à l’épargne publique est soumise au visa de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et de la Commission des Opérations de Bourses (COB). En particulier, l’émetteur doit fournir des informations sur le montant des fonds levés, la date d’échéance de l’obligation, le calendrier du versement des intérêts, son taux d’intérêt facial (rendement). En se fondant sur le simple plan économique on peut dire que la mesure égrenée par Nicolas Sarkozy est flou. En effet, l’Etat compte emprunter auprès de qui ? On ne sait pas si le placement de l’Etat sera un placement dit « privé » c'est-à-dire un placement de gré à gré entre les investisseurs institutionnels ou au contraire un placement faisant appel à l’épargne publique. A ce stade, on peut dire que l’annonce de Sarkozy relève plus d’une opération de communication que d’une mesure de politique économique.
Sur l’opportunité d’avoir recours à un emprunt pour honorer ses engagements, rappelons à monsieur Sarkozy que l’Etat français a emprunté 250 milliards aux marchés financiers et les intérêts de la dette publique ont coûté 54 milliards en 2008. En lançant l’idée d’un emprunt, Sarkozy reconnaît implicitement que l’Etat est en situation de crise. En effet, l'emprunt d'Etat est une vieille recette pour faire face à une crise. Emprunt de 1918 destiné à accentuer l'effort de guerre pour gagner celle-ci, rente Pinay indexée sur l'or et exonérée d'impôt... Mais ils ont rarement été profitables aux finances de l'Etat, notamment les plus récents. L'emprunt Giscard de 1973 est encore dans les mémoires. Indexé sur l'or, il avait permis de collecter 7 milliards de francs. Mais son remboursement en avait coûté 80. Même chose pour l'emprunt Sarkozy-Balladur (110 milliards collectés en 1993), qui, entre les manques à gagner pour le fisc et les commissions versées aux banques qui le commercialisaient, a en fin de compte coûté très cher aux caisses de l'Etat et est devenu une affaire forte onéreuse pour les finances publiques. Entre 1993 et 1997 (année où l'Etat a dû rembourser sa dette aux Français), les taux d'intérêt se sont envolés. Et l'Etat a dû honorer ses engagements au prix fort pour le plus grand profit des souscripteurs : les français les plus nantis. Nicolas Sarkozy a choisi la fuite en avant. La théorie économique veut qu'en cas de finances publiques déficitaires, on resserre les boulons, quitte pour cela à augmenter les impôts. Sarkozy choisit, lui, de tendre la sébile et d'aller mendier auprès des Français de quoi boucler les fins de mois difficiles. Et des difficultés, il va en avoir, avec ce déficit qui file, et une dette qui augmente. Cette année, ce sont 140 milliards qui vont s'ajouter à nos 2100 milliards de dettes. Si on y ajoute les emprunts qui arrivent à échéance, et qui seront remboursés, en s'endettant à nouveau, la facture sera cette année de 200 milliards d'euros qu'il faudra aller chercher, dans les prochains mois, sur les marchés. Notre président, en lançant cette idée d'emprunt, semble avoir la mémoire courte: lancer un grand emprunt populaire coûte cher. En tous cas, toujours plus cher que d'aller chercher l'argent sur les marchés financiers. En effet, pour attirer le grand public, il faut proposer un taux supérieur à celui de marchés financiers, où les marges se calculent en centième de point d'intérêt. Pour séduire le public, Il faut offrir un placement attrayant et sans doute équivalent à celui que vient de proposer EDF (4,5 % de rendement offert). Ce qui est cher payé par rapport à l'offre des marchés financiers, qui, en ces temps incertains, recherchent la signature de l'Etat français. La France n'a en effet aucun mal à placer ses obligations assimilables du Trésor (OAT) sur les marchés, comme ces derniers jours, où Bercy a émis pour 4 milliards d'euros d'emprunt (rémunéré à 3,79 % à dix ans). Faire appels aux marchés financiers, c'est la garanti de se procurer de l'argent moins cher, faire appel aux français, c'est plus cher à cause des exonérations fiscales octroyées aux souscripteurs ; les plus nantis.
Enfin, avec cet emprunt, Nicolas Sarkozy a choisi d’accentuer les déficits et de s’affranchir unilatéralement des engagements européens de la France. Engagements relatifs à la limitation à 3% du déficit et à 60% de la dette publique. Le recours à l’emprunt constitue donc en définitive une mesure qui va accentuer les injustices fiscales au profit des plus aisés et qui va isoler la France au niveau européen.
Jean Fernand Nguema
Secrétaire Fédéral
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